« things we lost to the flame
things we'll never see again
all that we've amassed
sits before us, shattered into ash »
bastille - things we lost in the fire

ien n'est jamais simple à Fortuna. Personne n'a la chance d'éviter un malheur. La peur, la tristesse, le désarroi, ils frappent dans l'ombre, sans bruit, sans prévenir. La malchance atteint tout habitant de cette cité infernale que se soit par un décès, un divorce, des dettes, une maladie foudroyante ou un manque d'argent. Certains sont atteints plus jeunes que d'autre. Comme moi par exemple...

Mon père, Alexander Forest, est un politicien important puisqu'il s'agit du Ministre. Il a toujours été bourré d'argent, notre famille n'a jamais connu le manque. Il a tellement de sous qu'il ne sait pas quoi en faire. J'ai une petite soeur, Cassandra, avec quatre ans de moins que moi. Nous étions très fusionnelles durant notre enfance. On passait notre temps ensemble à jouer, rire, s'embêter. On faisait tout ensemble. Et ma douce mère, Jane Forest, observait nos jeux d'un oeil distrait en souriant. Un magnifique portait de famille qui va finir piétiné, détruit, brisé.

Je n'avais que sept ans lorsque ma vie changea à tout jamais. C'était l'hiver, et Maman m'avait habillée en conséquence. J'avais des grosses bottes fourrées, un anorak bien épais, une longue écharpe qui me remonte sur le nez, un bonnet et une paire de gants. Il ne neige jamais à Fortuna, ce qui n'empêche pas d'assister à des hivers glacials et des étés caniculaires. Je rentrais de mon école privée du quartier Ouest. Une accompagnante conduisait les enfants jusqu'à la bouche de métro de leur quartier et ensuite c'était à eux de se débrouiller. Chose qui n'avait jamais rassuré Maman qui veillait sur Cassie et moi comme à la prunelle de ses yeux.
Je marchais dans la rue, mon sac d'école au dos, j'avais trouvé un bout de bois que je tapais sur les grilles des jardins des vastes demeures du Nord.
Mon bâton tomba au sol lorsqu'on me saisit le poignet et me tirai en arrière pour me faire grimper dans une voiture avant de m’asséner un violent coup sur le crâne qui me fit perdre connaissance.

Je ne me souviens que de très peu d’événement lors de mon kidnapping. Je m'étais éveillée un jour dans un grand lit d'hôpital. Les murs étaient d'une blancheur éblouissante : je peinais à garder les yeux ouverts. J'avais froid et très mal à la tête. On m'avait rasé le crâne, toutes mes boucles blondes avaient disparues. J'étais dans une blouse blanche beaucoup trop grande pour moi et je remarquai deux infirmières au bout de la pièce qui n'avaient pas remarqué que j'avais repris connaissance. L'une disait « elle est si jeune... » et l'autre répondait « mais elle a un potentiel énorme... » S'en fut trop pour moi, et, abattue par la fatigue, je m'endormis à nouveau.
Quand je me réveillai, j'étais toujours dans la chambre d'hôpital. J'avais dormi pendant un nombre d'heures qui m'échappait et pourtant, l'épuisement pesait sur mes paupières. Il n'y avait pas de fenêtre et les lumières étaient éteintes. Il faisait très sombres dans la pièce, mais heureusement, un mince filet de lumière parvenait à passer sous la porte et ne me laissait pas dans des ténèbres profondes. J'avais toujours mal à la tête mais cette fois-ci, je mourrais de chaud. Je parvins à m'asseoir sur mon lit, j'avais des vertiges et ma blouse blanche était trempée de sueur. Je passai une main sur mon crâne dégarni et senti une grande cicatrice qui me fit grimacer lorsque je la frôlai.
Des voix me parvenaient depuis le couloir. Lentement, je me levai, me tint au lit pour éviter de tomber. Puis je marchai avec grande peine jusqu'à la porte. Mes jambes me tenaient à peine tant je me sentais faible et fatiguée. Mais ma curiosité me poussait à bout, et je voulais savoir ce qu'il se passait, où j'étais et pourquoi moi. Je collai mon oreille contre la porte. « J'ai appelé son père. Il est prêt à n'importe quoi pour récupérer sa fille. » Fit l'un. « Combien ? » Intervint un second. « Un bon paquet d'argent. » Un frisson me parcourut l'échine. Parlaient-ils de moi ? « Comment se porte-elle » Demanda le deuxième. « Elle est très fatiguée mais l'expérience a réussi avec succès. C'est une Jaune. » J'attrapai la poignée et me précipitai dans le couloir. Les deux hommes ne s'attendaient pas à me voir debout devant eux à une heure si tardive dans la nuit. « Tu ferais mieux de retourner te coucher, petite... » Dit le premier. « Je veux rentrer chez moi. » J'avais toujours eu un caractère quelque peu ... ''électrique''. Mais jamais au point que des étincelles illuminent mon corps pendant une fraction de seconde. Mon coeur manqua un battement. Que m'arrvait-il ?!
Je ne me souviens pas de la suite de cet événement. J'ai probablement encore perdu connaissance. Mais ce qu'il s'était produit m'inquiétait, me faisait peur. Avais-je rêvé ? Ces étincelles... Elles provenaient bien de moi, non ?

On me laissa dormir toute la journée qui suivit, et on me réveilla très tard dans la nuit. On me laissa dans ma blouse blanche et on était obligé de me porter, car j'étais incapable de marcher. C'était comme si toutes mes forces m'avaient quittées. On me fit monter dans une voiture et on roula pendant plusieurs heures dans la ville. On s'arrêta dans une ruelle sombre, me fit descendre et attendre debout alors que mes jambes tremblaient de peur, de froid et d'épuisement. Il y avait deux grands hommes avec moi, habillés de noirs avec des cagoules sur le visage. Je ne comprenais pas ce qu'il se passait, j'étais terrorisée.
Une autre voiture débarqua dans la rue, les phares m'éblouirent et je dû m'en protéger avec le bras. Mon père en sortit, avec une grosse mallette à la main. Je n'appréciais pas spécialement mon père. Il était très prisé par son travail, je ne le voyais presque jamais et il ne s'occupait jamais de Cassie et moi. Mais le voir, là, dans cette ruelle sombre et froide, me fit penser que c'était mon héros. Il m'échangea contre la grosse mallette et piquée d'adrénaline, je me jetai dans ses bras en pleurant.

J'appris plus tard que cette mallette comportait plus de 300 000$. Je n'aurais jamais pensé qu'un humain avait un prix. J'appris également que si l'on m'avait kidnappée, c'était pour prendre des sous à mon père et par la même occasion, me faire subir des expériences non désirées. J'ai été probablement le plus jeune sujet des scientifiques et le traitement qu'ils m'ont injecté a été très dur à supporter. Je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait. Mes parents, ma soeur, étaient désemparés. Ils ne savaient pas comment réagir quand je m'isolais et que les plombs sautaient à tout moment dans la maison.
J'avais peur de ce pouvoir. Je n'arrivais pas à le contrôler. Dès que je m'énervais, mon corps créait des étincelles. Je n'osais plus aller à l'école parce que ma mère disait que j'allais me faire attraper par un Chasseur. J'ai mis toute mon adolescence à comprendre mon aptitude, à la dompter, à la tester, à découvrir mes limites. Et même maintenant, plus de dix-neuf ans plus tard, je ne parviens pas toujours à la contrôler. Dès que j'ai eu l'âge de quitter la maison, je le fis pour prendre un petit appartement dans le Nord. Je vis dans mon petit studio avec ma chatte rousse que j'ai nommée Ruby. C'est la petite âme de mon appartement qui y donne un grain de vie.

Je suis une fille extravertie et je refuse de me fondre dans l'ombre et me cacher toute ma vie. J'ai donc décidé de vivre comme n'importe quelle habitante de Fortuna mais à mes risques et périls. Je sais pertinemment que je me mets constamment en danger, mais je ne tiens pas à ma vie... Je crois en destin, je crois à la chance qu'il m'offre et lorsque mon jour sera venu, je le saurai. Je le devinerai. J'ai beau vouloir vivre comme tout le monde, je n'aime pas utiliser mon pouvoir. Le possédant depuis mes sept ans, il est pour moi une véritable maladie génétique. J'en ai peur. J'ai peur de moi-même. J'ai peur de faire du mal aux autres involontairement et l'utilisant à tord et à travers.

Je travaille en tant que mannequin dans un tout petit studio dans le centre de la ville. J'aime ce métier. J'avoue me trouver jolie, mon photographe le sait, et j'en profite. Je mène les hommes naïfs par le bout du nez et ça m'amuse bien ! Mon photographe, Alfredo Caballo, est lui aussi un HGM, un Violet. Je n'ai donc aucune crainte à travailler avec lui puisque je sais que nous sommes pareils.

Je gagne bien ma vie. Mon père est connu dans toute la ville. Je mène une petite vie tranquille mais dangereuse qui ne plaît aucunement à ma mère et à ma soeur. Mais leur avis m'importe peu. Je vis au jour le jour avec les bonheurs et les malheurs du quotidien.